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© Samuel Turpin | Humans & Climate Change Stories

Un service en attire un autre

Dans les contextes économique et climatique globaux actuels, l’agriculture familiale subit d’importantes  pressions. Les productrices et les producteurs agricoles ont tout intérêt à s’unir pour défendre leurs intérêts et offrir un contrepoids aux forces économiques en place. Pour y arriver, ils doivent se doter d’organisations démocratiques fortes et représentatives de leurs membres. Ces organisations de familles agricoles ont un rôle primordial à jouer pour la sécurité alimentaire et le bien-être économique de leurs membres.

L’un des moyens utilisés pour y parvenir est la création de services économiques. Que ces services soient en amont de la production, par exemple par l’achat groupé d’intrants, ou en aval, par exemple par la transformation ou la mise en marché collective, ils ont souvent le double avantage de jouer favorablement sur les revenus des familles agricoles et de générer des bénéfices pour l’organisation, améliorant ainsi son autonomie financière.

Considérant cela, il n’est pas étonnant que notre organisation, riche de quelques décennies d’expérience pour représenter les familles agricoles du Québec, ait orienté ses premières interventions dans la mise en œuvre de systèmes collectifs de mise en marché et à l’amélioration de la vie démocratique des groupements dès sa mise en place dans les années 90. Près de 30 ans plus tard, nous avons bien évidemment développé divers champs d’intervention, mais le développement de services économiques collectifs demeure toujours à la base de notre expertise. À cet effet, « Soutenir les organisations professionnelles agricoles (OPA) dans leur avancée démocratique et dans le développement de services collectifs durables sécurisant les revenus des productrices et des producteurs agricoles » est l’un des axes de développement de notre Plan d’action 2019-2024.

Une culture collective

Réflexion sur la mise en marché collective

La mise en place d’un service collectif pour les productrices et les producteurs au sein d’une organisation agricole est un processus relativement long pouvant parfois durer plus d’une dizaine d’années.

Tous dans le même bassin

Appui à l'aquaculture au Sénégal

Le programme Les savoirs des gens de la terre (LSGT) poursuit sa route au Sénégal, notamment dans les régions de Kassack Nord et Kassack Sud. UPA DI travaille activement sur le terrain avec la Fédération des périmètres autogérés (FPA) pour accompagner les paysannes et les paysans dans la conduite d’un projet de Gestion communautaire des ressources naturelles (GCRN) en pisciculture. Le besoin de ce projet est apparu lorsqu’une étude a démontré que les poissons consommés par la population locale étaient contaminés par des résidus de pesticides provenant des eaux irriguées.

L'écoute active

L’utilisation des radios rurales

UPA DI a développé une multitude de modules de formation grâce au programme Les savoirs de gens de la terre (LSGT) depuis 2004. Au Sénégal, le Cadre national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR) en collaboration avec le Cadre de concertation des producteurs d’arachides (CCPA) et la Fédération des groupements associés des paysans de Baol  (FEGPAB) ont décidé de pousser plus loin l’expérience du programme LSGT.

L'affaire est dans le sac
Service d'achat groupé
Dans certains cas, il peut être dans l’intérêt des productrices et des producteurs de considérer la filière dans son ensemble et de développer des synergies avec les autres parties prenantes de la filière par l’entremise de leur organisation.

© L’UNION DES PRODUCTEURS AGRICOLES – 2020 – TOUS DROITS RÉSERVÉS
Réalisations : Kina Communication

Réflexion sur la mise en marché collective

Tout d’abord, il importe de prendre suffisamment le temps de rencontrer les membres, les informer et les mobiliser autour de cette initiative collective afin qu’ils y adhèrent pleinement et en reconnaissent les avantages. Ensuite, dans plusieurs cas, le service est implanté graduellement afin que les membres puissent y souscrire progressivement et que le service fasse ses preuves avant d’atteindre sa pleine capacité. Plusieurs fédérations spécialisées de l’UPA au Québec peuvent témoigner en ce sens pour avoir expérimenté ce processus.

Les avantages des services collectifs sont nombreux pour les membres. Par exemple, dans le cas d’un service collectif de mise en marché, il permet à l’organisation de négocier des intrants de qualité au meilleur prix possible et ensuite de les octroyer à crédit aux membres adhérents, qui pourront rembourser en nature lors de la récolte. L’organisation pourra ensuite regrouper et emmagasiner les produits récoltés par les membres et ainsi avoir un pouvoir de négociation avec les acheteurs grâce à des  volumes plus importants. Les bénéfices des ventes servent ensuite à payer les charges liées au service et peuvent être redistribués aux adhérents sous forme de ristournes, selon les décisions des instances démocratiques. Encore faut-il que l’organisation ait en main tous les outils nécessaires pour une mise en place effective d’un tel service, afin que les membres demeurent mobilisés et confiants tout au long du processus.

À titre d’exemple, citons le cas de l’Union des groupements des agriculteurs Mowossokpo (UGAM), avec qui nous collaborons depuis 2014. Après quelques expériences infructueuses de mise en place de services collectifs, les élus et les élues décident en 2015, avec l’appui d’UPA DI, de retenter l’expérience avec la mise en place d’un service collectif de mise en marché du maïs. 

La première année est difficile puisque qu’elle coïncide avec l’arrivée de la chenille légionnaire en Afrique de l’Ouest, causant beaucoup de dommages dans les parcelles de maïs. Néanmoins, le conseil d’administration persiste et trouve divers moyens pour améliorer ce service, par exemple l’introduction du soja en 2019. Tout au long de ce processus, UPA DI a continué son appui auprès de l’UGAM par l’entremise d’accompagnement-conseil de son personnel et d’experts de son réseau. Malgré les difficultés rencontrées, la proportion de membres bénéficiant de ristournes et la proportion de femmes avec contrat n’ont cessé d’augmenter d’année en année.

Ainsi, après quelques années de fonctionnement, il était temps pour l’UGAM de faire le point sur les forces et les faiblesses de son service pour mieux envisager l’avenir. C’est donc avec le soutien d’un expert mandaté par UPA DI que l’Union a procédé à cette analyse au cours des mois de septembre, octobre et novembre 2019. L’organisation pourra mettre à profit les recommandations issues de cette démarche, comme envisager l’ajout de produits tel que le riz au service collectif, afin de davantage consolider ce dernier au profit de ses membres et d’assurer sa propre autonomie financière.

© Lloyd Pasqualetti

Appui à l'aquaculture au Sénégal

De plus, dans cette zone enclavée et éloignée des lieux d’approvisionnement, la rareté du poisson limitait l’accès à des éléments nutritifs essentiels pour ses habitants. C’est dans cette perspective que des groupements de paysannes et de paysans ont décidé de réaliser un projet de pisciculture, avec l’accompagnement technique et financier d’UPA DI.

Le GCRN en aquaculture permettra l’amélioration de la santé de la communauté tout en dégageant des revenus pour assurer la pérennité des bassins où sont élevés les poissons. Des formations liées aux ressources naturelles ont été offertes aux membres des groupements et aux acteurs de la communauté dans le but de renforcer leurs capacités à gérer collectivement et dans l’intérêt de tous. L’apprentissage reçu a permis de conscientiser et de mobiliser à la fois les individus et la collectivité pour une saine gestion des ressources naturelles pour l’ensemble des activités agricoles dans la région d’intervention. Les habiletés d’analyses, de planification, de mobilisation et d’évaluation développées par les participants permettent une meilleure compréhension des processus communautaires à mettre en place en milieu rural pour favoriser la préservation des milieux naturels.

Lorsque la préservation et la mise en valeur des ressources naturelles sont soutenues à l’échelle de la communauté, cela permet l’adoption de nouvelles pratiques agricoles et permet également la préservation de l’eau, des sols et de la santé des personnes qui y vivent.

Utilisation des radios rurales

Les populations rurales des régions de Kaolack et de Diourbel ont maintenant accès à des programmes multimédias d’information, d’éducation et de sensibilisation en langues locales sur des pratiques agricoles raisonnables, respectueuses et durables. Les membres des organisations professionnelles agricoles partagent activement leurs expériences à travers la production de contenus multimédias et participent à motiver le changement de comportement en valorisant les échanges de bonnes pratiques et de solutions locales. Les paysannes et les paysans deviennent les acteurs du changement et participent à renforcer leur résilience. Cette démarche permet aux organisations paysannes de valoriser leur savoir-faire, d’obtenir davantage de visibilité tout en augmentant leur crédibilité pour élargir leur nombre de membres.

L’originalité de ce projet réside dans le fait de faire collaborer des organisations professionnelles agricoles avec des médias communautaires et nationaux pour diffuser les savoirs et valoriser la profession sur différents types de plateformes médiatiques et de réseaux sociaux.

La réalisation d’émissions radiophoniques et de vidéos comprend des sketches, des reportages, des témoignages et des débats interactifs. Il s’agit d’une véritable communication de paysans à paysans. Les contenus visent à démontrer qu’il existe d’autres options et qu’une agriculture raisonnable est porteuse de solutions pérennes et viables. Les messages valorisent le développement d’idées, l’action collective et la synergie entre les acteurs du monde agricole. La production médiatique est réalisée à partir d’un matériel accessible aux communautés et elle privilégie une démarche de pédagogie par projets qui plonge les intervenants directement au cœur de l’action.

Visionnez un sketch portant sur la solidarité paysanne et l’intérêt des producteurs à se regrouper lorsqu’ils s’approvisionnent en intrants.

Service d'achat groupé

Une telle approche permet de consolider simultanément toute la chaîne, de l’approvisionnement en intrants, de la production à la transformation, et ce jusqu’à la mise en marché. De plus, cette approche permet également de consolider les liens entre les organisations professionnelles agricoles d’une même filière et favorise la communication, les échanges et la concertation pour leur permettre de se structurer, d’établir un rapport de force face aux autres acteurs et de travailler sur des objectifs communs comme  la mise en place de services collectifs multi-OPA. Un autre point intéressant est que l’approche filière donne la possibilité aux productrices et aux producteurs de mettre en place, si approuvé démocratiquement par vote, un système de prélèvement monétaire par unité de production et permet ainsi l’autofinancement des services collectifs et de l’organisation professionnelle agricole responsable.

Dans le cadre de notre programme Les Savoirs des gens de la terre (LSGT), nous nous sommes intéressés à cette dimension des filières agroalimentaires, notamment au Sénégal. La culture de l’arachide y est importante et elle se concentre principalement au centre du pays, dans une zone naturellement appelée le bassin arachidier. Il n’est donc pas étonnant que le cadre de LSGT filière soit la filière sélectionnée par nos partenaires. Chapeauté par la faîtière nationale, le Cadre national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), le développement de la filière arachide suscite une forte mobilisation, encourage la concertation entre les organisations professionnelles agricoles (OPA) et rapproche les organisations de leurs membres à la base. Comme il avait été convenu par les représentants lors du premier rendez-vous filière en 2018 « de rénover la filière arachide au Sénégal pour améliorer sa contribution dans l’économie nationale et le bien-être des exploitations familiales, organisations professionnelles et autres acteurs », le travail s’est poursuivi en ce sens. Deux organisations professionnelles agricoles, sur un total de six, qui ont depuis mis en place des services collectifs dédiés à la filière arachide. Par exemple, dans le cas du Cadre de concertation des producteurs d’arachides (CCPA), un service collectif d’approvisionnement en intrants, soit des sacs de qualité et des produits phytosanitaires, a permis aux membres d’avoir accès à des intrants de qualité à bon prix et a permis à l’OPA de dégager des bénéfices. En parallèle, à plus grande échelle, les personnes représentantes de la filière, lors d’un rendez-vous filière de LSGT, ont désigné une organisation professionnelle agricole afin que celle-ci mette en place un service d’approvisionnement en sacs sur le plan  national pour les membres des différentes organisations professionnelles agricoles de la filière, soit environ 71 350 personnes. Le CCPA et la filière arachide affirment que les services en place sont très appréciés des membres, et que des bénéfices substantiels sont anticipés dans le futur. Cet exemple démontre un pouvoir supplémentaire de l’action collective concertée au bénéfice du bien-être économique des familles agricoles.